Espace
et temps


La perception du temps n'est pas possible sans changements dans l'espace. C'est pourquoi la mesure du temps autrefois était liée aux changements relatifs à la terre, au soleil ou à la lune. Cependant une mesure du temps neutre et linéaire s'imposera au fur et à mesure que l'homme dépendra moins des conditions extérieures, idéologiquement elle sera soutenue par le christianisme (voir plus bas le § "la fin du temps"). Nos montres digitales actuelles témoignent combien le temps linéaire et comptabilisable éclipse désormais l'expérience d'un temps cyclique lié à l'espace, les écrans ne montrent plus que des chiffres qui défilent tandis que les cadrans ronds rappelaient encore l'espace, le mouvement du soleil, la rotation de la terre.

La dimension large de mes tableaux permet la visualisation d'espaces-temps, le ciel en tant que symbole du temps (il nous donne l'heure) y dispose d'un espace privilégié et a une dynamique particulière: dans le tableau "HORUS", on a le soleil ailé, dans le tableau "VIANDE", on voit la trace que laisse un jet turbo ou peut-être un groupe d'oiseaux migrateurs. La plage même évoque le désir de dépasser les limites, de traverser l'espace. De plus l'ensemble de ces symboles et documents sont l'expression d'époques de l'histoire éloignées les unes des autres, ce qui oblige le spectateur à accomplir un saut dans le temps: dans le tableau "MAIS", on a à la fois le dieu Maya et les méthodes modernes de culture, de même que dans le tableau "TERRE", on a les reliques d'une vieille maison et un robinet à l’extérieur sur le côté, et enfin dans le tableau "HORUS", le dieu du ciel et du temps dans la mythologie égyptienne, représenté à la fois par un soleil et un faucon, apparaît au dessus d'une plage dépotoir moderne.

La relativité
du temps


Cette liaison entre le temps et l'espace est d'un point de vue scientifique exprimée dans la théorie de la relativité selon laquelle le temps n'existe pas objectivement, mais se modifie selon notre position, est en relation avec elle, et donc relatif. Si nous appliquons cette théorie à notre réalité quotidienne, on peut dire que pour tout être vivant, que ce soit chacun de nous ou les divers groupes auxquels nous appartenons, il existe un temps particulier et différent. Le début et la fin du temps se manifestent dans notre vie personnelle par la naissance et la mort, entre les deux s'étend notre temps personnel de vie. Même si ce temps, de nos jours, pour ce qui est des nations occidentales industrialisées, dure environ 80 ans et contient pour une certaine génération des évènements collectifs similaires, il n'en demeure pas moins que nos durées de vie ont des qualités différentes et ainsi nous disposons de plusieurs possibilités pour les épuiser. La valorisation à outrance du temps mesurable selon le célèbre adage "time is money" entraîne une réduction tragique de ces possibilités personnelles créatrices et nous conduit à passer à côté de notre propre vie.

La rencontre de tous ces temps et espaces différents est porteuse de contradictions et de contrastes, de chaos au sens mythologique du terme. Mais c'est au sein de ce chaos éternel que se produit la création toujours renouvelée de moments vivants, donc passagers et harmonieux d'ordre. Le chaos (du grec "désordre") met au monde le cosmos (grec:"ordre") et est ainsi un chaos créateur. Des allusions à ce chaos créateur se trouvent par exemple dans "HORUS", "VIANDE" et dans "TSCHERNOBYLOUCHKA" . Mais le sujet de presque tous les tableaux est caractérisé par des contrastes et des contradictions intérieurs très forts, tandis que leur aspect formel produit globalement un effet harmonieux. Ces oeuvres sont le fruit d'une certaine époque de ma vie et sont rassemblées sous une appellation commune "du cycle: Le Grand Sud". Cette époque est pour moi celle d'une intense confrontation entre cultures latine et germanique. Mes origines autrichiennes et aussi mon changement de vie qui me fit quitter Berlin pour le Gers dans le Sud-Ouest de la France correspondent aussi à un décalage de temps et d'espace, à un désordre personnel soldé par ces tableaux. Un élément essentiel de tous ces tableaux est la relique qui symbolise une interprétation culturelle différente, c'est à dire au bout du compte, une différence de représentation et de qualité du temps.

Qualité et
sacralité du temps


L'expérience de la vie et de la mort, de la reproduction, des générations qui se succèdent, implique la répétition de cycles dans le temps et d'expériences identiques dans la vie, de rythmes biologiques et de qualités de temps comme le jour et la nuit, le froid et la chaleur, les semailles et les moissons etc ... Ces cycles sont étroitement liés aux conditions de notre système planétaire, à des rythmes journaliers, mensuels et annuels, qui sont provoqués par la rotation de la terre, les parcours du soleil et de la lune et l'inclinaison de la terre. Dans ce sens le soleil et la lune sont des divinités dispensatrices de vie. Le temps qu'on prédisait en observant le ciel fut sacralisé et ses changements célébrés par des fêtes. L'axe central de mes travaux ainsi que divers détails évoquant autels et tabernacles font allusion à cet aspect sacré de la qualité du temps et à ses cycles, tout particulièrement dans "MAIS" et "TSCHERNOBYLOUCHKA".

Étymologiquement la sacralité du temps se révèle dans l'origine commune des mots "temps" et "temple", où le concept de temps se traduit par un espace. C'est de cette époque de la conscience humaine où forme et qualité du temps n'étaient pas distincts mais divinisés que datent les connaissances astrologiques. Ce savoir consiste en une description cyclique et qualitative du temps et mesure des qualités du temps non seulement d'après le soleil et la lune mais aussi d'après le parcours des autres planètes. Cela permit par exemple la perception d'un temps ralenti, où les évènements sont différés, propice à la réflexion et que l'on mesure d'après Saturne, et d'un temps accéléré mesuré d'après Mars. L'humanité en est collectivement influencée dans sa culture. Ainsi l'univers temporel musulman au contraire du chrétien est plus fortement lié aux cycles de la lune ce qui est censé se manifester par un monde régit davantage par les sentiments, la famille, le tribue et la collectivité.

Le prêtre de ces temps anciens choisissait à l'intérieur d'un périmètre donné un morceau d'espace qui par la suite était signalé par un autel et un temple. Ces morceaux d'espace correspondaient à certaines qualités de temps divines, qui de nos jours apparaissent dans les traditionnels signes du zodiaque et qui à l'origine étaient régis par certains dieux et certaines planètes. Ainsi le tableau "MAIS" fait référence à la culture maya qui associait à sa très grande précision dans la mesure du temps, ses prédictions divines. On trouve aujourd'hui une forme profane et scientifique de l'astrologie dans la chronobiologie qui analyse à sa manière les cycles biologiques terrestres.

Témoins
du temps


Les reliques sont les séquelles mortes du temps, des restes de vie résistant à l'effacement et donc des éléments d'un tout originel qui les englobait. Elles sont les gardiennes du souvenir qu'elles permettent d'évoquer. Les premiers reliquats qui devinrent des reliques, c'est à dire qui furent objets de culte et auxquelles on attribuait parfois le pouvoir magique d'un fétiche étaient sans doute les os d'un animal mangé ou d'un aïeul défunt à partir desquels se développèrent culte des anciens et religion. Scientifiquement par exemple, des analyses de minéraux peuvent nous renseigner sur le passé. Mais étrangement, il semblerait que la matière dispose d'une mémoire du passé que la science ne parvient pas totalement à sonder mais que des personnes douées de pouvoir de voyance, les "médium" parviennent à déchiffrer. Tous ces résidus nous donnent l'assurance du temps comme vie avant la nôtre et ne font que nous apporter la preuve que nous sommes existants et présents.

à la colonne à droite [X•]

Zeit sichtbar machen
... à propos de
la qualité du temps
dans mes traveaux ...

Les oeuvres d'arts ont pour signification première non pas d'être décoratives mais symboliques et même magiques et religieuses. Les symboles n'analysent pas le monde mais en font la synthèse en signe ou image. C'est pourquoi les images peuvent s'interpréter à différents niveaux, leur symbolique est complexe. Classer mes travaux sous l'étiquette d'"assemblages", "installations" ou "art poubelle" correspond à la technique mise en oeuvre. De même que leur interprétation du seul point de vue sexuel-fétichiste, ironique, sociocritique ou encore écologique est trop superficielle cependant la provocation intellectuelle permet d'ouvrir d'autres perspectives bien opposées ... Ce qui est pour moi au centre de mon travail est plutôt d'ordre spirituel, c'est à dire une tentative d'interprétation du monde qui soit à la fois philosophique et religieuse / mythologique. Les notions d'espace-temps, de cycles, de qualité du temps, son commencement et sa fin mythologiques, ce qu'il a de sacré, la preuve qu'on en trouve dans reliques et reliquats sont importants pour l'approche de mes travaux. L'aspect mesurable et dénombrable du temps s'oppose tout à fait à mon approche, à peu près comme une forme peut s'opposer au contenu. Le fait que dans notre vie on privilégie exagérément cet aspect objectif, formel et quantifiable du temps conduit à une perte grandissante du sens des images et du temps, ce qui se manifeste par une accélération croissante.

Statuette dite
Tchernobylouchka
Assemblage 57/ 130/ 22 cm

Les "Tchernobylouchkas", originaires du Post-Poubellien - mille ans avant Le Grand Change - qu'on a decouvert dans le "Grand Désert Russe" - ont probablement servi dans un but réligieux comme un autel.
[X] On peut également considérer les reliques comme esprit et expression du temps, comme les déchets qu'une époque donnée laisse derrière elle. Si nous nous entourons de façon exagérée de tous ces vestiges (le patrimoine), nous ne pouvons plus aller de l'avant bien que par ailleurs ils nous donnent la confirmation de la vie et du temps. Le danger de rétrograder nous guette alors et ce, d'autant plus que les reliques peuvent très bien émettre des images que nous recevons inconsciemment. La terre est la relique la plus originelle et la plus universelle. Tout se termine et se désagrège dans cette substance d'où une vie nouvelle renaît. Peut-être tous les souvenirs y sont-ils contenus et comme annulés par leur multitude. C'est pourquoi une motte de terre constitue l'élément central du tableau "MAIS". Tous les tableaux pour ainsi dire sont fabriqués à partir de restes et même de détritus. Dans les siècles passés, il n'y avait pas de déchets car tout était utilisé à nouveau et les vieilles choses gardées avec respect. C'est notre société capitaliste de consommation, de surproduction et de gaspillage qui dans sa frénésie de produire des choses éphémères, empêcha un vieillissement naturel et créa ainsi ce nouveau produit: le déchet. Une insuffisance de souvenirs bloque tout autant qu'un excès. Ainsi le mépris et la dévalorisation qui frappent les objets passés de mode entraîne un manque de souvenirs et de conscience du temps, en même temps que celui-ci s'accélère. Cette accélération du temps se révèle dans "MAIS" par une espèce de vieillissement accidentel dont par la suite je tirai partie. Il fallut en effet le restaurer plusieurs fois depuis sa réalisation en 1995 du fait d'attaques répétées de rongeurs, ce tableau est donc devenu en quelque sorte la relique de lui-même!

Une autre forme d'accélération provient de ce que dans les tableaux, les déchets acquièrent soudain le statut de reliques. De cette manière grâce à un saut dans le futur, on regagne finalement un pan de passé. Dans "TSCHERNOBYLOUCHKA", "MAIS" et "HORUS" se crée ainsi un temps virtuel tout comme dans une ambiance de science-fiction où passé et futur s’entrecroisent et créent un nouveau temps mythique. Rien que le fait pour moi de vivre dans une vieille ferme gersoise à peine rénovée, relique du temps, faite de poutres de chêne et de terre qui s'effrite, tout en y travaillant sur un ordinateur et en recevant chaque jour les prospectus de papier brillant des supermarchés, apparaît comme un rapprochement d'époques éloignées qui frise l'absurde. Tels des oiseaux multicolores d'un autre monde semblant tombés du ciel, ils portent la promesse d'un monde futur, un paradis auquel je pensais justement avoir échappé. Le tableau "TENTATION" reflète cette expérience personnelle du temps. Où se trouve le paradis, si ce n'est au-delà de notre présent, au delà de l'espace et du temps, au commencement ou à la fin.

Au commencement
du temps


Comme notre propre commencement est le résultat d'un acte sexuel, on a l'idée d'un commencement du monde qui soit aussi de nature sexuelle. On place ce commencement à une époque mythique qui échappe à notre capacité de représentation. Religion (du latin religio, c'est à dire relier) ne signifie rien d'autre que "relier en arrière", à ce tout premier commencement. Et l'image mythique de ce commencement prédéterminant est généralement une mère ou un père originels. Tout compte fait le fameux "big bang" (masculin) ou les trous noirs (féminin) ne sont-ils pas la version scientifique de mythes anciens? Une attention particulière est portée sur l'adoration de différents symboles masculins et féminins dans les tableaux "MAIS", "VIANDE" et "TERRE". D'ailleurs, les symboles du pouvoir ou encore les symboles religieux ont souvent un caractère sexuel fétichiste marqué comme par exemple, le sceptre, le globe impérial, les stèles, colonnes, clochers ou les reliquaires et tabernacles.

Dans l'histoire d'Adam et Ève, un des mythes du début de l'humanité, ceux-ci ne connaissaient, avant le pêché originel, ni mort, ni sexualité, et donc ni commencement ni fin. Le temps et la mortalité furent causés par l'intempérance qu'ils eurent à cueillir la pomme. C'est ainsi qu'est symbolisée cette insatisfaction, cette démesure de la vie en soi dirigée vers un développement continuel. Sur notre planète, du fait de ressources épuisables, cela n'est possible que par échange de gênes dans la procréation, par une durée de vie limitée et parce que les êtres vivants sont la proie les uns des autres. L'idée plus particulièrement orientale de la réincarnation veut dire simplement que la vie adopte toujours de nouveau une forme matérielle et charnelle et que nous ne pouvons échapper à ces cycles se répétant sans cesse, à cet enfer terrestre, que par la non action. Mais pour survivre, nous devons agir et ainsi nous nous rendons coupables et nous sommes responsables de ce que le monde se répète sans fin. Derrière ce processus il y a une loi, qu'on appelle le Karma. C'est à la femme, évidente procréatrice et gardienne de la vie, qu'à l'origine dans le matriarcat, on confia le rôle divin. Dans le patriarcat au contraire, elle devenait celle qui, séduisant et conduisant à la vie, recevait le rôle bien plus terrestre, de responsabilité et même de culpabilité (le fruit défendu).

Dans "VIANDE", c'est l'aspect matriarcal de la femme procréatrice originelle et divine qui est mis en avant, tandis que dans "TENTATION" et "HORUS", c'est l'aspect patriarcal et donc son caractère séducteur! "TENTATION" montre aussi le lien qui existe entre l'interprétation biblique du début de l'humanité et la doctrine orientale de la réincarnation. Le processus des générations et de régénération est représenté comme tentative et tentation des sexes l'un vers l'autre. Cet instinct vital primordial de volonté de posséder l'autre, de vouloir se l'incorporer, se manifeste à des niveaux les plus divers: dans l'acte sexuel, mais aussi dans celui de se nourrir et dans notre univers de consommation, variante moderne. Aussi la publicité utilise-t-elle largement une symbolique sexuelle plus ou moins cachée et la séduction du matériel que la publicité nous fait miroiter s'accompagne presque toujours de la femme et la fameuse pomme du paradis est remplacée par le produit X ou Y. Par cela, par notre désir de l'autre, nous restons enchaînés à la terre, à la matière, nous ne brisons pas la chaîne de la réincarnation, de la répétition infinie du temps et de ses cycles.

A la fin
du temps


Selon les philosophies orientales, les cycles de la réincarnation se répètent sans fin et s'en échapper semble presque impossible et même "inhumain"- à très peu seulement, comme par exemple Bouddha, il fut donné de vaincre cette loi du Karma. En opposé de cette conscience cyclique du temps, le christianisme introduit une conscience linéaire dans la mesure où le Christ se charge de la faute originelle et des pêchés dont on hérite éternellement, annihilant la renaissance et donnant à l'humanité espérance et nouveau départ. Mais ce commencement donné au monde chrétien implique aussi une fin, qui est attendue: la fameuse apocalypse, laquelle ressemble fort au déluge, ce qui nous ramène à une vision cyclique!

De nos jours nous n'avons guère conscience de tout ce qu'impliqua cette nouvelle conception linéaire du temps, de l'influence qu'elle eut sur l'évolution de l'homme en introduisant justement le soi-disant progrès et donc le rôle dominant de l'occident (progresser=> pas de retour possible). Ce fut un progrès qui aujourd'hui déjà nous semble à nouveau suspect, car l'avenir est sans doute moins à chercher dans une opposition des deux conceptions du temps que dans leur mise en liaison.

Si on interprète par exemple "HORUS" ou "TSCHERNOBYLOUCHKA" dans cette perspective, on peut y voir le souvenir que l'homme a en lui de l'apocalypse, dont il attend le retour de façon cyclique. C'est un déluge dont il est lui-même responsable et qu'il projette dans le futur, pour ainsi dire la condensation de notre mauvaise conscience dans la vision d'un évènement à venir, laquelle mauvaise conscience provient de ce que nous agissons constamment à l'encontre de ce que nous savons pertinemment. Bien qu'il s'agisse d'une vision, laquelle appartient au futur, on a cependant dans le présent un état de lutte permanente des êtres pour leur survie: la nécessité de devoir s'adapter à des conditions dont ils sont eux-mêmes responsables, la nécessité donc de se changer soi-même. Dans ces tableaux le procédé, la technique du recyclage correspond au contenu et au message (identité de la forme et du contenu).

galerie|
© Otto Kayser  
(Otto Kayser, OttoKayser, Otto Kaiser, Kayser Otto, KayserOtto, kosmogen, cosmogen, cosmogene, cosmogène)

EN
DE
home
Galerie|
DE
utsch   ENglish   FRançais
Navigation /Link-Bedeutung

▲ = nach oben (Seiten-Beginn)
▼ = nach unten (Seiten-Ende)

[X] = angesprungene Stelle
[•X] = zu einer Spalte links
[X•] = zu einer Spalte rechts
[••X] = zurück z. Ausgangspunkt
[XX] = zu einer anderen Seite
[X•X] = zu externer Web-Seite
[•] = zu einer Archiv-Seite
Kunst
[XX] Lebens-Lauf
[XX] Portrait
[XX] Kunst-Symposium
[XX] Was ist Montage-Kunst ?
[XX] Galerie/
        ... aus der Presse

[XX] Zeit-Visualisierung

  [•] Archiv

[XX] Architektur
[X•X] kosmogen
= kosmogene Zyklen
www.kayserotto.com